Espace Photographique de Denis Meloccaro

Une journée à la Boqueria

 
En arrivant devant le marché, il rejoignit la charrette qu'il avait suivie. Maintenant, l'homme  commençait à décharger ses primeurs. Sous la halle en fer, il y avait d'autres charrettes et un trafic incessant de cageots vers l'intérieur du marché, où des femmes formidables baignées par la lumière de l'acétylène lavaient les comptoirs avant d'y disposer leur marchandise. [...] Dans un bar jouxtant le marché, des charretiers buvaient des cafés arrosés. [...] Des livreurs passaient en portant sur leurs épaules des pains de glace, des caisses de bière, de boissons gazeuses et de siphons. Comme sur l'image édifiante d'un manuel scolaire, un homme au visage blanchi qui portait un sac de farine en croisa un autre barbouillé de noir qui portait un panier de charbon
La ville revenait doucement à la vie et Prullàs se sentait exalté par le flot d'énergie qui jaillissait autour de lui. Les boutiques ouvraient leurs portes dans un grand fracas de bois et de fer. [..] Des poissonneries sortaient les effluves abyssaux des salaisons ; des fours l'odeur du pain et des tartes. Prullàs aspira l'air avec délices ; il était fasciné par le spectacle de cette Barcelone insolite, en blouse et en tablier, ordonnée, tenace et laborieuse, si différente de l'autre Barcelone, en plastron amidonné et robe longue, frivole, perverse, hypocrite et noctambule, que la vie lui avait donnée en partage et où il se trouvait merveilleusement bien.
Une comédie légère,
Eduardo Mendoza
 
 
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